A46 ans, Nouvellement Cadre, en 2022, je fus la 1ère licenciée en France du statut des Industries Électriques et Gazières pour motif : insuffisance professionnelle après mutation et 19 ans d’ancienneté dans les IEG .
RÉGLEMENTAIRE
Le licenciement pour insuffisance professionnelle
Les motifs d’insuffisance professionnelle
L’insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement quand elle repose sur des éléments précis et objectifs (manque d’implication ayant conduit à la perte de plusieurs clients, un délai de plusieurs semaines pour accomplir une tâche qui ne demandait en réalité qu’une semaine de travail, erreurs de gestion, manque d’organisation professionnelle, etc.).
Les griefs invoqués pour justifier l’insuffisance professionnelle doivent reposer sur des faits qui ont entraîné des conséquences pour l’entreprise. Ces éléments doivent être vérifiables et donc argumentés.
Il ne doit pas s'agir d'une défaillance passagère qui serait démentie par un passé professionnel irréprochable du salarié.
En effet, pour apprécier si le motif d'insuffisance professionnelle allégué par l'employeur est réel et sérieux, le juge prendra en compte l'ancienneté du salarié mais également sa progression dans l'entreprise, les augmentations de salaire allouées, l'existence ou non de constats d'insuffisance déjà effectués par l'employeur (on ne peut pas reprocher au salarié une incompétence dont il ne pouvait pas avoir conscience).
Obligations de l’employeur
L’employeur est tenu d’une obligation de bonne foi. Si le salarié n’est pas adapté au poste qu’il occupe, l’employeur ne peut invoquer ce motif qu'à la condition qu'il n’en soit pas lui-même responsable.
L'employeur a, en effet, l'obligation d'adapter les salariés à l'évolution de leur emploi (L6321-1 du code du travail) en leur proposant des formations spécifiques et suffisantes. Le temps nécessaire à la montée en compétence doit être significatif.
La charge de travail doit également être raisonnable, les résultats attendus doivent être réalisables pendant le temps de travail du salarié.
Si l'employeur est responsable de l'insuffisance ou incompétence qu'il invoque, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse.
L’insuffisance professionnelle n’est pas définie dans le code du travail. Elle a été définie par la jurisprudence (c’est-à-dire les décisions de justice rendues par les tribunaux et la Cour de cassation).
L'insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective, durable et involontaire d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante des tâches correspondant à sa qualification professionnelle.
Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail fourni par le salarié, résultant soit d’une incompétence professionnelle, soit d'une inadaptation à son emploi ou à l'évolution de celui-ci.
Elle ne se confond pas nécessairement avec une insuffisance de résultats.
Elle doit être distinguée de la faute professionnelle justifiant un licenciement disciplinaire. En effet, l’insuffisance professionnelle n’est jamais fautive.
Dès lors qu’elle est établie, l’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les salariés protégés
Le licenciement pour insuffisance professionnelle peut être prononcé également à l’encontre d’un salarié protégé. Toutefois, pour être validé par l’inspecteur du travail, le licenciement doit être précédé d’une recherche de reclassement.
La procédure à suivre
C’est celle qui est prévue par le code du travail en matière de licenciement (convocation à l’entretien préalable, entretien préalable, envoi d’une lettre de licenciement motivée et préavis).
L’ indemnité de licenciement
Là encore, c’est celle qui est prévue par le code du travail.
Elle est égale à :
pour les années jusqu'à 10 ans d'ancienneté : 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté.
à partir de 11 ans d'ancienneté : 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté (R1234-2 du code du travail).
Quid du licenciement pour insuffisance professionnelle dans les IEG ?
Il convient de rappeler que le statut des IEG ne prévoit le licenciement que pour un motif disciplinaire (articles 3 et 6 du statut). À ce titre, une mise à la retraite d’office (fondée sur une faute grave du salarié) peut être prononcée à l’encontre du salarié.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle n’est pas prévu dans les textes statutaires.
Cependant, rien ne l’interdit explicitement.
Il pourrait ainsi être soutenu juridiquement que le licenciement d’un salarié statutaire pour insuffisance professionnelle est impossible, le Statut des IEG y faisant obstacle.
Rien n’est sécurisé pleinement et la jurisprudence va être amenée à se prononcer .
Exemples de cas se rapprochant des salariés au statut des IEG
a) Cour de cassation, chambre sociale, 5 juin 2012 : concerne un directeur délégué de la SNCF
licencié pour insuffisance professionnelle. La cour a rappelé les points suivants :
L’incompétence professionnelle justifiant le licenciement pour insuffisance de résultats d'un salarié est par nature non fautive
Les juges du licenciement doivent apprécier la matérialité des faits articulés à l'appui de la lettre de licenciement d'un salarié.
En clair, le salarié avait été licencié pour insuffisance professionnelle, mais via des raisons disciplinaires. La Cour de cassation avait condamné ce mélange des genres en rappelant les juges à l’examen du fond de l’affaire.
b) Cour de cassation, chambre sociale, 30 septembre 2020 : concerne un salarié de la RATP licencié pour insuffisance professionnelle. Cette décision est encore plus intéressante car elle s’appuie sur les textes statutaires de la RATP.
Extraits :
Selon l'article 49 du statut du personnel de la RATP, la révocation résulte d'une décision prononcée par le directeur général dans les conditions prévues au titre XII de ce statut relatif à la discipline.
Qu’il résulte de l'article 49 du statut du personnel de la RATP que la révocation a nécessairement un caractère disciplinaire, que l'insuffisance professionnelle ne présente pas en elle-même un caractère fautif et qu'elle n'avait caractérisé aucune faute à l'encontre du salarié en l'absence de mauvaise volonté délibérée de la part de ce dernier.
En clair, si les textes statutaires ne prévoient pas la possibilité de rompre le statut pour une autre raison que disciplinaire (ce qui est le cas dans les IEG), le licenciement est caractérisé sans cause réelle ni sérieuse.
c) Une décision de la Cour de cassation du 5 avril 2018 concerne la période de stage. Les juges ont statué que dans ce cas précis, l’employeur (la RATP) pouvait juger de la compétence professionnelle du salarié pour interrompre son stage et rester conforme au statut.
Dans cette décision, les juges ont également jugé déraisonnable la durée du stage, dérogatoire au droit commun (comme dans les IEG), pendant laquelle l’employeur pouvait juger les compétences de son salarié.
EN SYNTHÈSE, la question de la licéité ou de l’illicéité d’un licenciement pour insuffisance professionnelle dans les IEG n’a pas été tranchée à ce jour par la jurisprudence et présente à tout le moins des risques importants pour notre statut.
Professionnelle et investie dans l’entreprise,
J’ai besoin de vos nombreux soutiens, pour maintenir que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne soit pas d’usage dans les IEG car la mobilité géographique et fonctionnelle permettent à chaque agent d’être productif et de contribuer à la performance des entreprises des IEG.
Merci à tous pour ce partage nombreux, je compte sur vous .
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