Chers parents, chers grands-parents,
Les réseaux sociaux ont ouvert la voie à une nouvelle ère d'exposition personnelle, mais lorsque les enfants deviennent les vedettes involontaires de cette parade numérique, la ligne rouge est trop souvent franchie.
Le phénomène du sharenting — contraction de « sharing » (partager) et « parenting » (parentalité) — pose une question cruciale : jusqu'où peut-on exploiter l’image de son enfant avant que cela ne devienne une forme d’abus déguisé ?
L’enfance en vitrine : un business lucratif
Des exemples concrets abondent. L’influenceuse américaine Ace Family génère des millions de dollars annuels grâce à des vidéos mettant en scène ses enfants, transformant les moments les plus intimes — des premières dents aux crises de larmes — en contenus sponsorisés par des marques.
En France, des figures comme Nabila Vergara n’hésitent pas à faire participer leurs enfants à des campagnes publicitaires sur Instagram, avec des contrats juteux à la clé.
Mais derrière ces paillettes et ces vues impressionnantes se cache une réalité glaçante : ces enfants, qui n’ont jamais consenti à cette exposition, grandiront avec une identité numérique déjà façonnée, parfois compromise, avant même qu’ils ne puissent comprendre ce qu’elle implique.
De tristes dérives
Il existe aussi des challenges sur les réseaux comme Instagram, qui consistent à faire des "pranks" (des farces) à ses enfants.
Par exemple, le #cheesechallenge, dont le but est de jeter une tranche de fromage sur son bébé et de regarder sa réaction... (souvent des larmes)
Voici de quoi les parents sont capables pour faire des vues.
Une atteinte à la vie privée
Le problème n’est pas seulement moral, mais également légal.
En France, le droit à l’image protège les mineurs, mais les plateformes sociales restent des zones grises où les photos et vidéos publiées sont souvent récupérées à des fins malveillantes.
Chaque cliché de bain ou de moment tendre peut devenir un outil entre les mains de cyberprédateurs.
Selon une enquête de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), près de 50 % des contenus pédopornographiques trouvés en ligne proviennent de photos initialement publiées sur des profils publics de parents.
Les enfants-stars : des travailleurs sans droits
Le sharenting est une forme d’exploitation économique moderne.
Lorsque des familles gagnent leur vie en exposant leur progéniture, ces enfants devraient bénéficier des mêmes protections que celles offertes aux acteurs ou mannequins mineurs.
Pourtant, la législation reste en retard.
En 2020, la France a fait un premier pas avec une loi visant à encadrer les revenus des enfants influenceurs, mais elle s’applique uniquement aux enfants participant activement à la production de contenus rémunérés, laissant de côté un grand nombre de cas.
Prenons l’exemple de la chaîne YouTube "Fantastic Family", où les enfants sont mis en scène dans des défis absurdes ou des scénarios montés de toutes pièces.
Ces vidéos, visionnées des millions de fois, rapportent des sommes astronomiques, mais à quel prix pour les enfants eux-mêmes ?
Une fois la caméra éteinte, que reste-t-il de leur enfance ?
Un souvenir flou ou un traumatisme durable ?
Un devoir de responsabilité parentale
Le rôle de parent implique de protéger ses enfants, non de les transformer en outils marketing.
Les conséquences du sharenting peuvent être graves : troubles de l’identité, anxiété liée à l’hyper-contrôle de leur image, voire conflits familiaux lorsque ces enfants, devenus adultes, reprochent à leurs parents d’avoir exposé leur vie privée.
Récemment, un adolescent américain a intenté un procès contre ses parents pour avoir partagé, sans son consentement, des centaines de photos le représentant dans des situations humiliantes1.
Où tracer la limite ?
Si certains parents partagent innocemment des photos de vacances, d’autres en ont fait un véritable fonds de commerce. La différence est claire : les premiers ne tirent aucun bénéfice financier de cette publication, tandis que les seconds exploitent sciemment leurs enfants pour alimenter un business.
Il est temps que la société prenne une position ferme sur le sharenting.
Les plateformes doivent mettre en place des outils pour protéger les mineurs et limiter la propagation de leurs images.
Les marques qui sponsorisent ces contenus doivent être tenues pour responsables, et les gouvernements doivent légiférer pour garantir que les droits des enfants ne soient jamais sacrifiés sur l’autel de la popularité numérique.
L’enfance mérite l’intimité
L’enfance est un sanctuaire.
Elle doit être vécue à l’abri des regards extérieurs, loin de la validation numérique et des métriques vides de sens.
Si les parents doivent être libres d’élever leurs enfants à leur manière, ils doivent également se rappeler que chaque photo publiée est un choix irréversible qui pourrait marquer l’avenir de leur enfant.
Car au final, le sharenting n'est pas une preuve d’amour, mais un miroir déformé de l’ego parental.
Il est temps de redonner à l’enfance la place qui lui revient : loin des projecteurs et des likes, dans un espace de liberté, d’intimité et d’innocence.
À bientôt,
En signant cette pétition, vous vous mobilisez pour :
- Protéger l’intimité des enfants de moins de 7 ans en interdisant la publication publique de leurs photos sur Internet.
- Garantir le respect du droit à l’image des enfants dès l’âge de 7 ans, en introduisant un consentement obligatoire avant toute publication.
- Mettre fin à l’exploitation commerciale de l’image des enfants en ligne.
- Encourager les plateformes à responsabiliser les utilisateurs et à renforcer la sécurité numérique des mineurs.
- Préserver l’enfance comme un sanctuaire, loin des projecteurs et des dangers de la validation numérique.
[1] « Enfants sous influence », documentaire par Elisa Jadot – Production Babel Doc et Together Media
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